Les conditions de travail dans les cuisines françaises ont beaucoup évolué ces dernières années, mais les pratiques brutales et humiliantes n’ont pas disparu. Et rares sont ceux qui osent les dénoncer.
Vendredi soir, 21 heures. Soixante-quinze couverts en salle, une étoile au guide Michelin et le calme en cuisine. Quelques minutes avant le «coup de feu», le chef Eric Guerin et un de ses apprentis cherchent une station de radio sur la chaîne hi-fi branchée à côté des fourneaux. Le service se fait en musique. Les foies gras poêlés et crème d’oursin ; les dos de cabillaud au citron mexicain, courge, châtaigne, truffe, noisette et mâche nantaise ; les mousses de citron vert, kalamansi et cactus, sont «envoyés» sans que le ton monte. Les visages rougissent et le rythme est soutenu, mais on est frappé par l’ambiance détendue qui règne au sein des cuisines du restaurant La Mare aux oiseaux.
Dans le milieu de la restauration, ces conditions de travail, rigoureuses mais sereines, sont assez rares pour être relevées. A 44 ans, Eric Guerin a été formé à la «marche ou crève», méthode qui consiste à éliminer les plus faibles par l’intimidation, l’humiliation, voire les coups.
Aujourd’hui à la tête d’un restaurant prestigieux (étoilé depuis 2000), il refuse de reproduire ce qu’il a vécu.
Injures, coups de poing, coups de pied, brûlures, harcèlement sexuel, racisme… la plupart des grands chefs ont vécu ce parcours du combattant pendant leur formation, et si les mœurs ont évolué ces dernières années, cette forme de sélection naturelle n’appartient pas au passé.
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